Devons-nous sauver aussi les vilains petits cépages ?
Pour continuer la saga des cépages…
Le phénomène actuel de concentration des vins, observé à l’échelle mondiale, ne veut pas dire que les vins deviennent plus épais mais que les cépages sont de moins en moins variés sur la planète viticole.
Une étude de l’université d’Adélaïde démontre que, entre 1990 et 2000, la surface de production de Cabernet Sauvignon et de Merlot a doublé, alors que, dans le même temps, la surface globale de vignes a diminué de 8%, une tendance qui s’est confirmé dans la décennie suivante. Désormais, les 35 variétés principales de cépages représentent 66% de la production mondiale, un chiffre qui n’était qu’à 59% en 2000.
Les chercheurs australiens qui estiment avoir analysé 99% de la production mondiale, ont compilé des informations de 44 pays, représentant plus de 2000 cépages dans 500 régions viticoles pour les périodes de 1990 à 2000 et 2000 à 2010. Ils ont pu noter une évolution nette en faveur des cépages destinés aux vins rouges, qui représentent aujourd’hui 55% de la production mondiale (49% en 2000), une évolution particulièrement sensible en Espagne, aux Etats-Unis et en Italie. A l’extrême de l’échelle : les cépages rouges représentent 96% de la surface viticole en Chine et seulement 8% au Luxembourg. La France, la Roumanie et la Bulgarie ont connu un mouvement inverse, favorisant les cépages blancs. Les cépages d’origine française représentent désormais 36% de la production mondiale, une proportion qui atteint 67% dans le Nouveau Monde alors qu’elle n’était que de 53% en 2000. Les cépages espagnols sont en deuxième position, avec 26% de la production mondiale.
L’airén, le cépage blanc le plus commun de la Mancha, en Espagne, est tombé de la première à la troisième place. Cette évolution reflète l’orientation mondiale du marché vers des variétés plus qualitatives, encore plus évidente pour des cépages comme le sultaniyé turc ou le rkatsitelli géorgien qui atteignaient, dans les années 80, la deuxième et la troisième place et qui ont aujourd’hui pratiquement disparu. La syrah, en revanche a fait un bond immense, de la 35ème à la 6ème place.
Les chercheurs n’offrent aucune explication à cette évolution, tout en faisant l’hypothèse que le tri se fait naturellement au profit des cépages qui réussissent le mieux dans une région donnée, tout en favorisant les cépages les plus prestigieux issus du Vieux Monde.
Faut-il se réjouir que les cépages moins qualitatifs disparaissent ou faut-il regretter cette concentration des cépages qui pourrait signifier que la biodiversité est en échec dans le monde du vin ?