Pénurie de vin: info ou intox ?
Vous avez peut-être entendu les sombres rumeurs annonçant une prochaine pénurie de vin à l’échelle mondiale ? Info ou intox ? Trois Fois Vin décrypte pour vous cette controverse !
Quand une banque américaine sème la panique dans le monde du vin…
Tout a commencé par la publication d’une étude de la banque américaine Morgan Stanley, prédisant une future pénurie du précieux liquide. Selon ce rapport, l’offre mondiale de vin serait tombée “à son plus bas niveau depuis 40 ans”. Parallèlement, la demande n’aurait cessé d’augmenter, tirée par les goûts des nouveaux riches russes et chinois pour les “bordeaux, rioja et autres malbecs”. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande entrainerait inévitablement une flambée des prix à l’exportation, et une diminution des stocks. Selon l’étude, cette pénurie profiterait aux pays viticoles du Nouveau Monde tels que l’Australie, le Chili, la Nouvelle Zélande et l’Afrique du Sud. En revanche, en Europe où la consommation de vin est traditionnellement plus importante, le grand écart entre l’offre et la demande créerait à terme une situation particulièrement tendue. Alors, faut-il aller dévaliser tous les cavistes de la ville et enterrer ses bouteilles à la cave ?
Pénurie de vin: info ou intox ?
Allez, qu’on vous le dise tout de suite, pas la peine de spéculer, il est peu probable qu’une pénurie ait lieu ! Les spécialistes s’accordent à dire que la production viticole mondiale est en fait en augmentation. Selon l’Organisation Internationale du Vin (source plus sûre qu’une banque dont l’expertise porte plus sur les différences entre le yen et le dollar qu’entre le pinot noir et le malbec), la production mondiale atteindra les 284 millions d’hectolitres cette année, soit 23 millions de plus qu’en 2012 ! Pierre Genest, directeur général adjoint de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux en France, soutient les déclarations de l’OIV : “Si on regarde 2013, confie-t-il, on retrouve une courbe où le niveau de production est supérieur à la consommation.”
Qu’est-ce qui a pu amener la banque Morgan Stanley à avancer l’hypothèse d’une possible pénurie de vin ? Peut-être la réduction de la taille du vignoble européen et la réduction de l’offre sur le millésime 2012. Ceci étant, si la surface du vignoble européen baisse du fait de la politique d’arrachage des vignes au profit de cépages plus qualitatifs, mais les consommateurs sont plus attentifs à la qualité des vins. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’Europe compte les trois pays produisant le plus de vin au monde : la France, l’Italie et l’Espagne. Il est donc peu probable que cette source se tarisse !
De manière plus plausible, la réduction de l’offre sur le millésime 2012 (dûe aux aléas climatiques) et la reprise de la consommation de vin en Russie, en Chine et aux USA (mais qui reste minime à l’échelle mondiale, de l’ordre de +0,7% en 2012) a conduit à une montée ponctuelle des prix, certes, mais de là à statuer sur une tendance durable et à parler de pénurie, c’est pousser le bouchon un peu loin, pour utiliser une expression adéquate ! Des années comme 2012, on en a connu par le passé : en 1984, 1981 et 2003 par exemple, les récoltes à Bordeaux furent plus maigres que d’habitude, et entrainèrent une hausse des prix allant de 40 à 50%.
Et puis, on ne cessera de le dire, si la demande étrangère est friande des vins bordelais, ils ne constituent heureusement pas tout le paysage viticole mondial ! Les réserves en vin sont telles qu’aujourd’hui une pénurie paraît impossible : une centaine de pays produisent du vin, et on voit chaque jour de nouvelles régions viticoles émerger. Ainsi, les Chinois et les Américains se sont donnés les moyens d’assouvir leur soif : la Chine est le 5ème producteur mondial (même si les vins sont parfois appelés chinois quand ils sont assemblés à des vins d’autres pays), et les USA le 6è. Alors, à vos verres !